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Roger Briand, SCMF
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Roger Briand, président du Syndicat français de la construction métallique (SCMF).
En dépit de l'inflation, les métalliers "envisagent l'avenir avec sérénité"

CONJONCTURE. En cette fin d'année 2022, les constructeurs métalliques retrouvent des couleurs grâce à une activité soutenue et une baisse des prix des matériaux. L'acier en profite pour réaffirmer son rôle dans la décarbonation du secteur, mais les enjeux d'attractivité et de formation restent prégnants pour une filière qui va manquer de plus en plus de bras.
 
 



"Des satisfactions et des préoccupations." En début d'année, les constructeurs métalliques faisaient déjà part de leurs inquiétudes sur la poursuite de leur activité dans un contexte économique très tendu depuis la crise sanitaire, et ensuite plombé par l'envolée des prix énergétiques.

Si cette activité était alors bien meilleure qu'en 2019, donc avant l'arrivée de la pandémie, les incertitudes demeuraient nombreuses. L'éventualité d'une pénurie en acier et le manque de main-d'oeuvre brouillaient notamment l'horizon. Neuf mois plus tard, la filière a retrouvé des couleurs.

"Nous n'avons jamais eu de ruptures d'approvisionnement. Notre activité est soutenue, avec un chiffre d'affaires en hausse de 19%, à la même hauteur que celui de 2021 et ce, malgré l'inflation et le ralentissement des prises de décisions des maîtres d'ouvrages", commente Roger Briand, à la tête du SCMF, le Syndicat de la construction métallique française. Les investissements privés, les chantiers colossaux comme le Grand Paris Express et les Jeux Olympiques, ainsi que les chantiers de requalification des centres-villes portent cette activité, et ont fait grimper la production à
768.000 tonnes de métal.

+140% pour le prix de l'acier



Les difficultés semblent par ailleurs se calmer. "La baisse des prix se confirme et nos carnets de commandes ont une visibilité à six mois", poursuit le dirigeant. Mais avec une tonne d'acier qui se facture encore aujourd'hui à 1.200 € - contre 800 € avant la crise et jusqu'à 2.000 € au plus fort des tensions -, les professionnels s'interrogent pour le second semestre 2023. L'inflation touche encore de nombreux matériaux et énergies, l'acier ayant tout de même vu son seul tarif décoller de 140%. Très loin devant le PVC, l'aluminium ou le cuivre.

L'activité des métalliers se répartit essentiellement entre les bâtiments industriels (59%), les ouvrages type gares, arénas ou parkings (14%), ainsi que les installations agricoles, silos et trémies (13%). La profession affiche une part de marché de 64% sur le segment des sites industriels, tandis qu'elle enregistre "de fortes hausses" sur ceux des bâtiments de commerce, des entrepôts et des bureaux. La construction de ponts et passerelles reste quant à elle soutenue, concentrant 5% de l'activité.

Les clients industriels tirent l'activité



Pas de crainte en revanche du côté des capacités de production de l'industrie française, aujourd'hui mobilisées autour de 80%, soit un niveau très élevé observé depuis 2021. Cette situation motive par conséquent les industriels à effectuer des investissements, notamment pour faire sortir de terre de nouveaux sites et bâtiments. Autant de constructions ou d'extensions qui sont dans leur grande majorité réalisées par des constructeurs métalliques, lesquels voient ainsi leur activité se développer.

"Nous envisageons l'avenir avec sérénité mais nous restons cependant un peu soucieux pour la fin 2023", résume Philippe Briand. Certes, les carnets de commandes sont bien garnis et de nombreuses demandes en études et chiffrages de dossiers sont en train d'être traitées. Les alertes émises par les économistes et autres spécialistes sur la seconde moitié de l'année prochaine invitent cependant à la prudence.

Recyclage et réemploi



La filière est toutefois prête à relever le défi de la décarbonation et de l'économie circulaire. Selon le président du SCMF, "l'acier est l'unique matériau de construction à pouvoir être recyclé à l'infini tout en conservant la totalité de ses performances". Il serait même déjà le matériau le plus valorisé dans le monde : ses déchets sont recyclables en quasi-totalité et les constructeurs métalliques utilisent majoritairement de l'acier recyclé. Ils se tournent qui plus est vers des aciers bas-carbone de manière à réduire encore davantage les émissions de CO2 (dioxyde de carbone) des constructions.

Les métalliers se sont aussi positionnés pour anticiper la nouvelle Réglementation environnementale 2020. "S'il est généralement avancé que la production d'un kilogramme d'acier émet 2 kg de CO2, le marché propose des aciers dont les FDES (Fiches de déclaration environnementale et sanitaire) confirment des résultats bien plus performants. Ainsi, Xcarb, acier d'Arcelor, revendique seulement 0,3 kg de CO2 par kg de construction métallique produite", explique le syndicat dans une documentation. Plus loin, on apprend que "pour des profils du commerce, seulement 1,3 kg de CO2 sera généré par kg de construction métallique produit ; pour un profil reconstitué soudé, il ne sera que de 1,4 kg de CO2".

En amont, les producteurs tentent de généraliser l'utilisation d'énergies renouvelables dans le processus de fabrication des ossatures acier pour diminuer encore plus l'empreinte carbone. Les constructions métalliques ont également une carte à jouer dans le domaine du réemploi : étant facilement démontables, elles peuvent se transporter et se remonter aisément ailleurs, qu'il s'agisse d'un bâtiment entier, d'éléments modulaires ou de pièces détachées.

Entre 93 et 97% d'acier recyclé dans la construction



"L'acier est essentiel dans la réalisation de structures antisismiques, incombustibles, imputrescibles et insensibles aux attaques de parasites. Dans cette approche, la traçabilité du matériau et des éléments constitutifs est essentielle afin de définir ses réemplois futurs. Une banque de poutrelles, plaques, modules... peut ainsi être répertoriée selon les poids, tailles et capacités structurelles", insiste Roger Briand. Ce qui lui fait dire qu'un "marché de l'occasion s'ouvre aujourd'hui" pour ce matériau qui dispose de "deux leviers de décarbonation".

D'abord son outil de production qui réduit progressivement ses émissions carboniques, ensuite la possibilité d'intégrer dans toute construction une part de réemploi - donc d'acier recyclé. "L'acier se positionne comme un fantastique matériau circulaire", se réjouit le président du SCMF. La filière serait ainsi en mesure d'atteindre les objectifs réglementaires fixés pour 2030, voire 2040. "L'acier vert est accessible ; l'objectif de 0,5 kg d'émissions CO2, voire moindre, par kg d'acier est atteignable", ajoute-t-il.

À l'heure actuelle, on estime entre 93 et 97% la part d'acier recyclé dans la construction. Dans l'optique de l'entrée en vigueur dans quelques mois de la filière Rep (Responsabilité élargie du producteur de déchets) dans le secteur du bâtiment, les constructeurs métalliques se considèrent comme producteurs et, à ce titre, cotiseront donc en versant une éco-contribution. La plupart des adhérents du SCMF sont d'ailleurs aussi adhérents de Valobat, l'un des éco-organismes du secteur.

20.000 postes à pourvoir sur les quatre ans qui viennent



Reste les enjeux d'attractivité et de formation. La filière manque et va manquer de plus en plus de bras : elle aura besoin de 20.000 nouveaux salariés sur les quatre ans qui viennent. Les difficultés de recrutement actuelles obligent les entreprises à monter des formations en interne et à multiplier les embauches d'apprentis. Du 10 au 15 octobre s'est d'ailleurs tenue la semaine nationale de journées portes ouvertes des constructeurs métalliques, qui a permis aux entreprises de présenter leurs métiers et sites à des collégiens, lycéens et enseignants.

L'évènement, qui était organisé pour la troisième année consécutive, ne suffira toutefois pas à rééquilibrer la balance. Confrontée à une pyramide des âges qui ne peut qu'ajouter aux tensions de recrutement au vu des nombreux seniors qui partiront bientôt à la retraite, la filière a aussi créé un site Internet dédié à ses métiers pour les présenter, relayer les offres d'emploi et accélérer les embauches.

Elle a également fondé des "écoles de production", à l'instar de celle mise en place par l'entreprise Serru basée à Château-Gonthier, en Mayenne. Plus largement, les métalliers attirent l'attention de l'Éducation nationale et des régions pour renforcer encore le développement de leurs métiers.


Corentin Patrigeon (06/12/2022)
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