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Emploi : le déséquilibre entre l'offre et la demande se confirme dans le BTP

ANALYSE. La pénurie de candidats dans le secteur de la construction est devenue évidente en 2022, créant un nouveau rapport de force autour des négociations salariales. Combinée à d'autres difficultés économiques comme l'inflation des matériaux et la crise énergétique, la situation risque de perdurer en 2023.
 
 



La crise des vocations est-elle partie pour durer ? C'est en tout cas ce que laisse penser le dernier état des lieux des niveaux de recrutements réalisé par le Groupe Fed, qui compte une douzaine de cabinets spécialisés dans l'emploi temporaire et permanent. Dans la continuité du bilan 2022, les perspectives 2023 ne semblent guère encourageantes et confirment qu'un nouveau rapport de force s'est installé dans nombre de secteurs d'activité.

Le marché de l'emploi des cadres s'est globalement bien tenu l'année dernière, continuant à surfer sur la reprise post-Covid. Mais des incertitudes sont venues plomber les intentions de recrutements vers la fin février, lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Les 3e et 4e trimestres ont ensuite traduit la volonté des entreprises de poursuivre leurs embauches en dépit de l'inflation. "Une belle perspective dans la poursuite des recrutements s’annonce pour 2023", notent les spécialistes de Fed.

Qui constatent cependant dans le même temps
un recours accru à l'intérim, signe probable d'un attentisme des entreprises qui hésitent à créer de nouveaux postes pérennes. D'autant que les difficultés de recrutements perdurent : "L’année 2023 débute dans les mêmes conditions que celles qui ont caractérisé 2022 sur le plan des candidats : peu de candidatures reçues, des exigences fortes des candidats en matière de conditions de travail et de rémunération, et une forte concurrence entre les entreprises pour attirer les talents", souligne l'étude.

Augmentation "significative" des prétentions salariales



Dans le bâtiment et les travaux publics, 2022 a été une année "exceptionnelle" en termes de besoins de main-d'oeuvre. Les consultants Fed Construction notent que "le déséquilibre entre l’offre et la demande est devenu patent" en fin d'année dernière, ce qui a débouché sur "une inversion du rapport de force en faveur des candidats" aux métiers du BTP. Cette pénurie de postulants a logiquement engendré une augmentation "significative" des prétentions salariales, installant dans la durée ce rapport de force désormais "assumé".

Face à des candidats monnayant de plus en plus cher leurs compétences, les entreprises ont évidemment dû s'aligner. Elles ont revu à la hausse leurs propositions d'embauches afin d'attirer les meilleurs talents, et certains profils particulièrement recherchés ont ainsi vu "leur rémunération fixe augmenter de 5 à 10.000 €", d'après le Groupe Fed.

Depuis la crise sanitaire, le salaire n'est toutefois plus le seul critère déterminant. L'environnement et les conditions de travail comptent également pour beaucoup dans la décision des postulants, qui, s'ils ont le choix entre plusieurs opportunités, vont probablement aller vers le plus offrant mais aussi vers le plus enthousiasmant. Proposer une qualité de vie professionnelle satisfaisante est donc "crucial" pour les employeurs.

Intégrer les notions de construction durable et de performance énergétique



Ceci dit, le profil-type des candidats évolue sur certains postes. À cause d'un manque d'ingénieurs, les entreprises de la construction se tournent ainsi davantage vers des postulants de niveau Bac+3. Selon l'étude, elles "n’hésitent plus à investir du temps en formation pour combler les manques de compétences".

Autant de tendances qui devraient continuer à s'observer sur le marché de l'emploi du BTP en 2023. Combinée à d'autres difficultés économiques, comme l'inflation des matériaux, les délais d'approvisionnement et la crise énergétique, avec qui plus est des carnets de commandes qui pourraient être moins garnis que l'année dernière, cette situation risque de ralentir les projets d'embauches.

"Ce constat vaut pour les marchés privés comme publics, puisque les collectivités, voire l’État, subissent le poids de la dette", analysent les experts de Fed Construction, qui notent à ce sujet "un allongement des délais de paiement de leurs factures chez certains clients et une prise de décision plus lente pour engager de nouveaux recrutements". Le nombre d'offres d'emploi devrait donc prochainement diminuer, les salaires cesser d'augmenter et le marché retrouver un point d'équilibre, "doucement mais sûrement".

Nombreux postes à pourvoir dans les missions et responsabilités d'encadrement ou de suivi des chantiers



Qui plus est, les professionnels de la construction intègrent de plus en plus dans leur stratégie - et donc dans leurs embauches - les enjeux de transitions écologique et énergétique. Les notions de construction durable et de performance énergétique deviennent incontournables dans un cadre réglementaire qui ne cesse de changer et qui impose donc d'anticiper les futurs décrets.

De ce fait, les postes d'ingénieurs en construction durable, de chefs de projets en efficacité énergétique, d'ingénieurs en contrôle technique de la construction ou de chargés d'études thermiques ont "le vent en poupe", d'après l'étude.

Mais les postes plus "traditionnels" restent "très demandés", notamment dans les fonctions d'études et de conceptions généralistes : chargés d’études techniques, techniciens/ingénieurs en études de prix, chargés d’affaires travaux, dessinateurs-projeteurs...

Le Groupe Fed constate d'ailleurs que les postes vacants sont les plus nombreux dans les missions et responsabilités d'encadrement ou de suivi des chantiers : conducteurs de travaux, chefs d’équipes, chefs de chantiers... "En revanche, les secteurs qui recrutent le moins dans le BTP sont la construction de maisons individuelles et l’agencement intérieur", concluent les auteurs.


Corentin Patrigeon (19/01/2023)
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