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Illustration maçon
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Photo d'illustration
Les métiers du gros-oeuvre sur-représentés dans les difficultés de recrutement actuelles

ANALYSE. La dernière édition du baromètre du cabinet Kyu consacré aux tensions de recrutement dans le bâtiment confirme une "explosion" des besoins en main-d'oeuvre depuis la crise sanitaire, aussi bien dans le gros-oeuvre que dans le second-oeuvre. Les métiers de maçon, de chargé d'études et de chef de chantier sont particulièrement demandés.
 
 



Le bâtiment a besoin de bras, et certains métiers encore plus que d'autres. Le cabinet Kyu, spécialisé dans le conseil et les études prospectives, vient de publier la dernière édition de son baromètre Komète consacré aux tensions de recrutement dans le secteur de la construction. L'outil est en réalité une solution "Saas big data", autrement dit un service basé sur serveur distant compilant des masses de données en provenance d'une vingtaine de sources publiques et parapubliques.

On y trouve par exemple la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail), Pôle Emploi, l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), les régions, la FFB (Fédération française du bâtiment), la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) ou encore l'opérateur de compétences (Opco) du BTP, Constructys. Aucune donnée sur l'apprentissage ne figure cependant dans le baromètre, dans la mesure où la Dares ne le prend pas en compte dans ses statistiques.

Ce dernier porte donc sur les travaux de construction spécialisés du bâtiment, ce qui concrètement regroupe les activités du gros-oeuvre et du second-oeuvre. D'après Kyu, cela représente 847.000 salariés dans 729.000 entreprises, soit 5% du PIB (produit intérieur brut) et des salariés de l'économie française. Après avoir vu son chiffre d'affaires bondir de 35% entre le 1er semestre 2020 et le 2e semestre 2022 du fait de la reprise post-Covid, le secteur est depuis plusieurs mois frappé de plein fouet par une inflation de 26% sur les matériaux.

Les transitions écologique, énergétique et numérique sont aussi à l'ordre du jour pour la filière, qui réalise 43% des consommations d'énergie et génère 23% des émissions de gaz à effet de serre du pays. Un constat dressé depuis longtemps et qui pourrait expliquer le niveau de tension sur les recrutements, deux à trois fois plus élevé que la moyenne des autres secteurs d'activité depuis 2011, et qui n'ont cessé de s'intensifier depuis 2016.


Répartition inégale des besoins



"L'intensité des embauches est le premier facteur d'augmentation des tensions au recrutement depuis 2014", expliquent les experts de Kyu. La croissance du marché de la construction, la préférence à l'investissement dans la pierre et la baisse continue des taux d'intérêt y ont contribué. "Toutefois, le manque de main-d'oeuvre disponible dû à la diminution du nombre de chômeurs en France depuis 2015 et l'inadéquation géographique pèsent également de plus en plus dans le niveau de tension du secteur", relève le baromètre.

Le Covid n'a rien arrangé : dans un premier temps, la chute des délivrances de permis de construire et de mises en chantier a logiquement fait baisser les problèmes de recrutement, mais l'effet de rattrapage avec la hausse des demandes de constructions depuis la reprise a intensifié les embauches et, par ricochet, les tensions.

Dans le gros-oeuvre, les recrutements sont donc nombreux, mais la mauvaise répartition des besoins entre les territoires aggrave le phénomène, certaines régions étant plus en carence que d'autres. Et la filière demeure peu attractive : "Les conditions de travail contraignantes du secteur (travail en extérieur, manutention de charges...) sont également structurellement élevées comparativement au niveau français", pointe l'étude.

Plus de CDI et de temps pleins



La situation est globalement la même dans le second-oeuvre, lui aussi très dépendant de la construction de logements. Les origines des tensions ne sont en revanche pas les mêmes : si l'intensité des embauches explique pour l'essentiel les difficultés de recrutement du second-oeuvre comme du gros-oeuvre, le premier est davantage exposé que le second à "une inadéquation plus forte entre la formation et l'emploi par rapport à la moyenne française".

Celle-ci est due à "la plus grande diversité des métiers et des compétences" du second-oeuvre, allant du plombier-chauffagiste à l'électricien en passant par le menuisier et le peintre. La problématique à pourvoir des emplois amène donc les employeurs à valoriser les postes vacants, notamment en augmentant leurs salaires et en améliorant leurs conditions de travail.

Depuis la fin des confinements sanitaires, les consultants de Kyu ont même constaté "une forte hausse" des rémunérations dans le bâtiment, à raison de +1,7% entre juin 2020 et juin 2021, contre +1,3% pour la moyenne nationale. Sur l'année 2022, les augmentations restent toutefois insuffisantes pour compenser l'inflation : +2% entre janvier et juin contre +4% de hausse générale des prix.

Sur le plan des conditions de travail, les entreprises de la construction se sont mises à proposer davantage de contrats à temps plein par rapport à la période pré-Covid. En analysant l'évolution des offres d'emploi disponibles, le baromètre relève ainsi qu'on comptait 70% de CDI (contrats à durée indéterminée) au 3e trimestre 2019 contre 72% au 3e trimestre 2022, et 89% de temps pleins à l'automne 2019 contre 93% trois ans plus tard.

Recherche menuisiers, charpentiers et couvreurs



Dans son baromètre, le cabinet Kyu distingue les métiers du bâtiment les plus en tension "tous secteurs confondus" et les métiers du bâtiment contribuant le plus aux difficultés de recrutement. La différence entre les deux catégories repose sur l'aspect transversal de certaines fonctions, qui peuvent s'illustrer aussi bien dans le secteur de la construction que dans d'autres secteurs artisanaux ou industriels.

Tous secteurs confondus, les métiers rencontrant le plus de problématiques d'embauche sont donc les techniciens en mécanique et travail des métaux, les dessinateurs en électricité et électronique, les ingénieurs et cadres d'étude et de recherche et développement en informatique, les agents de maîtrise et assimilés en fabrication de matériel électrique, les ingénieurs du bâtiment et des travaux publics, les régleurs, les géomètres, les couvreurs et les chefs de chantiers et conducteurs de travaux.

Maçon, métier le plus représenté du bâtiment



Dans le secteur du bâtiment uniquement, les postes ayant le plus de mal à être pourvus sont les maçons, les techniciens et chargés d'études du bâtiment, les chefs de chantiers et conducteurs de travaux, les ingénieurs du BTP, les menuisiers et ouvriers de l'agencement et de l'isolation, les techniciens en électricité et électronique, les charpentiers, les couvreurs et les dessinateurs en électricité et électronique.

Sept des neuf métiers listés ci-dessus relèvent du gros-oeuvre. Métier le plus représenté du bâtiment avec 81.000 salariés en 2021, la maçonnerie "contribue fortement aux tensions au sein du secteur. Comme de nombreux métiers non qualifiés, le facteur de tension principal est l'intensité des embauches", précise la baromètre. Les techniciens, chargés d'études et chefs de chantiers sont également en difficulté "en raison du manque de main-d'oeuvre disponible et à la mauvaise adéquation entre la formation et l'activité professionnelle".


Corentin Patrigeon (05/12/2022)
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